Cœur à Damiers / finale du 28 mai 1967 : raté !

Salut les Damiers !

Le 28 mai 1967, quinze rugbymen de l’US. MONTAUBAN devenaient Champions de France de Première division, au stade vélodrome de Bordeaux. 1967 ! Que se passait-il à cette époque ? Je n’avais pas encore 8 ans et je ne connaissais pas encore le rugby, ni-même son nom…  Je ne connaissais même pas ces célèbres damiers qui ressemblaient davantage à une casaque de jockey, un dimanche de tiercé gagnant, qu’à une tunique de Rubipèdes.

Aussi, ai-je interrogé mon pote Wiki (Wikipédia).

1967 : une drôle d’année ! Au matin du dimanche 28 mai, De GAULLE avait déjà lancé, à Cherbourg, son premier sous-marin nucléaire, le « Redoutable », et Catherine DENEUVE allait perdre dans un mois sa jumelle de Rochefort. La France vibrait pour d’autres sujets de société : on allait créer l’Agence Nationale Pour l’Emploi et députés et sénateurs allaient voter une loi autorisant le contraceptif oral, plus communément appelé la « pilule ». Sur le plan international, le guérillero révolutionnaire, Ernesto « Che » Guevara allait être exécuté de deux rafales, en Bolivie : hasta la victoria siempre, Comandante

1967, une drôle d’année ! Sur WIKipédia, on n’y parle même pas de la finale du championnat de France de rugby. En 1967, le rugby français n’avait pas encore connu son 1er Grand Chelem et les frères BONIFACE avaient cessé de faire des courses d’évitement et des passes acrobatiques, sous la tunique bleue frappée du coq doré… En outre, le rugby français sortait d’une « sale » finale entre AGEN et DAX qui s’était jouée aux points et aux poings. À cette époque, l’essai valait trois points. Pire, en touche, personne n’avait le droit de vous aider à sauter et l’intox et la boite à gifles assuraient quelques gains dans l’alignement. Enfin, on jouait aussi à quinze et puis c’est tout ! Les remplaçants ne pouvaient pas rentrer, y compris pour blessure sauf si on se cassait la jambe avant le coup d’envoi… Pendant le match, les blessés qui arrivaient à rester sur le terrain, on les mettait à l’aile, histoire qu’ils arrivent à rendre un peu service… On ne sait jamais, ils pouvaient rattraper un ballon, se sacrifier sur une action… Mais, aucun remplacement n’était possible !

En 1967, une drôle d’année ! La finale était inédite ! MONTAUBAN-BÈGLES ou BÈGLES-MONTAUBAN. Deux « petits nouveaux », jamais titrés, qui s’étaient donné rendez-vous sur le pré de Lescure. L’arbitre, Pierre LEBECQ, du comité Limousin, est-il aussi un « p’tit nouveau » ? Nul ne peut me le dire… Ainsi, au milieu de la saison hivernale, personne, en effet, n’aurait imaginé que le match suprême serait disputé par ces deux équipes qui, au terme des rencontres de poule, étaient précédées par une dizaine de concurrents bien plus glorieux.

Le stade municipal de Bordeaux était bondé : 32.115 spectateurs (pour une recette de 356.088 Francs). Les Béglais pouvaient être considérés comme les favoris, jouant quasiment à domicile. En effet, les joueurs du CAB avaient l’avantage de jouer le match de la finale, à quelques kilomètres de leur stade de Musard. Comment ne pas penser à la première finale. En 1949, les Damiers avaient soulevé le Coq… Il leur fallait soulever le Brennus. Le bis repetita s’annonçait : le stade Lescure était là en décorum ! Même jour, même heure, mêmes pommes… ou quasiment ! CHABAN était dans la tribune d’honneur, Pierrot MARRENS était là, André et Bambi MOGA étaient là aussi

Les Béglais avaient épinglé à leur tableau de chasse le vainqueur et le finaliste de la dernière édition, respectivement le SU Agen en huitièmes et l’US Dax en demi-finale (6-3). L’équipe de Bègles est jeune et enthousiaste en revanche elle apparaissait plus stylée. Pour la plupart d’entre eux, ces Béglais étaient des universitaires décontractés « montés » à Bordeaux pour leurs études. Fatalement, la moyenne d’âge était basse ! Néanmoins, les Girondins se présentaient amoindris et devaient remplacer Gérard DENJEAN et Auguste AYPHASSORO dans le pack, et Michel MILIANI, au centre de l’attaque, dont la place fut occupée par Alain BERGÈSE, aux côtés du prometteur Jean TRILLO.

Les Tarn-et-Garonnais, vainqueurs de GRAULHET (9-6), se présentèrent au complet. Dans le paddock de Lescure, les maillots blancs à col vert de l’US.MONTAUBAN fait ressortir les brassards noirs cousus la manche gauche des maillots en mémoire d’un des leurs, décédé un an plus tôt… Ce MONTAUBAN-là pouvait faire peur car leur équipe paraissait plus puissante et rugueuse. Le pack montalbanais possédait de réels arguments rugbystiques : une mêlée homogène, intelligente, un alignement (de 20 ans chacun) parfaitement organisé, une 3ème ligne complémentaire avec un n°8 aux « belles mains » (Francis BOURGADE), une charnière de tête (Moïse MAURIÈRES) comme d’inspiration (Jean DAYNES), des trois-quarts rapides, audacieux. L’ensemble était plutôt jeune et des anciens de poids : dix jeunots de moins de 23 ans et cinq de plus de 30 ans :

  • un vieux pilier, natif de Montauban, une sorte d’Obélix aimé de tout Sapiac, Loulou BLANC (18 fois remplaçant en équipe de France mais aucune sélection)
  • Jean-Michel CABANIER, le talonneur, seul international du groupe vert de 1967 et futur lauréat du Grand Chelem 1968
  • Moïse MAURIÈRES, un demi de mêlée, aux portes du XV de France, plaque-tournante de l’équipe , Sapiacais de cœur, et un lieutenant sur le terrain. Il était capable de faire des passes dans toutes les positions et surtout un sacré emmerdeur pour ses adversaires, prêt à utiliser toutes les ficelles du métier, un poison de 85 kg : le fameux quatrième 3ème ligne !
  • Jacques LONDIOS, l’ ailier gauche, qui enchaina les sélections comme les essais en finale.

Dès la cinquième minute, les Montalbanais commencèrent en fanfare : départ de Moïse MAURIÈRES côté fermé, poursuivi par l’ailier gauche, LONDIOS ; MARQUESUZAA vient à l’intérieur en relais, et fait l’ultime passe à son n°8, BOURGADE qui s’effondre dans l’en-but pour l’essai en coin : 3-0 ! Le reste de la première mi-temps ne vit pas d’évolution de la marque. MONTAUBAN contrôlait une partie de bonne tenue et d’une correction parfaite tandis que les banlieusards bordelais se méfiaient d’un contre après ce départ en trombe de leurs adversaires… Il n’est jamais bon de courir après le score. Un essai leur fut même refusé juste avant les citrons. Après la pause, CRAMPAGNE connaissait encore plusieurs échecs sur ses tirs au but et les Béglais demeuraient stériles même s’ils mettaient parfois leurs adversaires en difficulté. MONTAUBAN régla le sort du match dans les dix dernières minutes. Tout d’abord, l’ouvreur DAYNES déclenchait une offensive, servait directement le second centre et LONDIOS sprintait pour un essai en coin, non transformé (6-0). Trois minutes plus tard, le 3ème ligne centre, BOURGADE, enchanté par son premier essai, s’échappait d’une touche, fixait le dernier défenseur et passait à LONDIOS qui marquait pour la seconde fois, dans le même coin de l’en-but. BOURGADE, euphorique, réussissait une magnifique transformation (11-0). Tout à la fin de la partie, « Tarzan » SWIERCZINSKI ponctua dans l’en-but un départ de la troisième ligne béglaise et sauva ainsi l’honneur.  Jacky CRAMPAGNE échoua dans le tir de la transformation plutôt facile.

Le jour de cette finale les buteurs des deux équipes ont tout raté. Un vent de Sibérie devait souffler dans la plaine de Lescure car aucun des deux artificiers, Jacky CRAMPAGNE côté béglais et le montalbanais Jean DAYNES, ne réussirent à cadrer les 2 perches. Seul Francis BOURGADE, avec ses crampons à bouts carrés, réussit la transformation du dernier essai de LONDIOS, depuis le bord de touche et de la pointe comme on tapait en ce temps-là… « Les buteurs les plus réguliers connaissent parfois la malchance » concluait Roger COUDERC au micro de l’ORTF…

L’arbitre, Pierre LEBECQ, siffle la fin du match, sur le score de 11 à 3 (3 essais à 1) en faveur de l’US MONTAUBAN. Louis BLANC, le valeureux capitaine montalbanais, se vit ainsi remettre le bouclier de Brennus. Le « bout de bois » a failli tomber de ses mains suantes et moites… Il eut alors ce mot historique : « Je ne le croyais pas si lourd ! ». Pour la première fois, et la seule pour l’instant, le nom de l’US.MONTAUBAN était gravée sur le cultissime Bouclier de Brennus. Le retour vers Sapiac fut homérique et l’accueil en gare de Montauban mémorable. Loulou BLANC, en bon capitaine, a dormi, ce soir-là, avec le Bouclier de Brennus : il était sûr, ainsi, de ne pas tomber ! Les festivités liées au sacre vont durer une semaine. Sept jours de vacances scolaires sont même décrétés dans les écoles de l’arrondissement. A la fin de cette semaine folle, l’US. MONTAUBAN fut capable de remporter le Challenge de l’Espérance, face à Graulhet, pour le dernier match de la saison. Par la suite, le club n’atteindra jamais plus ce niveau mais la passion du rugby est encore vivace à MONTAUBAN. Nul doute que jour aura changé la vie de cette bande de copains. On ne les attendait pas et ce sont bien eux qui sont passés à la postérité.

Tout cela, je ne l’ai pas inventé : je l’ai appris de mon copain Wikie !

De cette finale, il ne me reste pas grand-chose si ce n’est une caricature de CATROUY, dédicacée par les finalistes de 1967 qui ont porté fièrement notre « Cœur à Damiers ». Beaucoup pensaient qu’ils auraient pu, qu’ils auraient dû remporter le titre. La prochaine fois sera la bonne !

@+ JYB/knar – le 25.08.2020