Ah, les années 1970 ! C’est la fin des années Yéyé et début de la variété française… C’est aussi la fin de mon enfance : je quitte mon Berry natal. Bye-bye Châteauroux et je laisse DENISOT et DEPARDIEU à leur notoriété montante pour aller construire la mienne dans la ville du Premier Ministre et sa « Nouvelle Société ». CHABAN, le copain du Général, connu aussi pour ses frasques rugbystiques avec les banlieusards-ouvriers de BÈGLES. J’arrive donc à Bordeaux et je m’ouvre à la vie : « bonjour l’adolescence, je ne te voyais pas ici ! »
En France, on quitte progressivement l’ère du plein-emploi et on file vers les économies d’énergie à la suite du premier choc pétrolier consécutif à la guerre du Kippour (1973), puis du second successif à la révolution iranienne (1979). Les Britishes nous refont le coup de Trafalgar en adhérant à la CEE pour la « brexer » 50 ans plus tard… Sur le plan social, la décennie est marquée par les premiers mouvements sociaux, post soixante-huitard, autour de libération sexuelle des femmes : balance ton quoi !
Pour ma part, je n’entends rien au rugby ! Quel est ce sport qui, pour aller de l’avant, il faut des passes en arrière ? Le rugby français a déjà en poche son premier Grand Chelem, conquis dans la boue de CARDIFF. À cette époque, on ne parle que des Gallois, avec leurs rouflaquettes, qui font même de l’ombre aux célèbres ALL BLACKS. Cette suprématie est validée avec « l’essai du siècle », dans le vieil ARMS PARK de CARDIFF. Quand on revoit l’action, ce rugby-là paraît ridicule, tout comme le hakka des BLACKS…
Est-ce pour ça que ça ne parle pas plus que ça ? J’ai à peine entendu parler des petits lutins de LA VOULTE qui viennent d’ouvrir la décennie des Champions de France. La-finale BÉZIERS-TOULON, à BORDEAUX en 1971, sera plus retentissante dans mon esprit. L’année suivante, je m’inscris à l’école de rugby du C.A.Béglais, dans la foulée de mon grand frère. L’école de rugby désormais nous accueille le mercredi après-midi et mes premiers entraineurs sont Christian SWIERCZINKI et Jean TRILLO, deux des internationaux du club.
TRILLO qui devient vite une idole avec des posters affichés dans ma chambre… TRILLO et son frère jumeau de l’attaque, Jo MASO, qui sont les apôtres du « French Flair » qui apparait au début de la décennie avec d’autres maitres à jouer : MASO, LUX, BÉROT, VILLEPREUX et Cie… Curieusement, le second Chelem du XV de FRANCE (1977) est acquis avec un pack de féroces, laissant le rugby de poètes aux romantiques. Quinze bonhommes pour un Grand Chelem ! Qui se souvient des remplaçants parmi lesquels on retrouvait un certain SWIERCZINSKI, plus connu du côté de Musard, sous le nom de « TARZAN » ? Les soldats du « Petit Caporal » se sont-ils inspirés du jeu bestial et structuré de Raoul BARRIÈRE ? En effet, pendant la décennie 1970, l’A.S. Biterroise a régné en maître es-rugby. Le club héraultais a inauguré cette mainmise sur le rugby français par un premier titre de champion en 1971 à BORDEAUX, là même où le C.A. Béglais avait failli ouvrir son compteur de Brennus. Cette équipe était une vraie machine de guerre invincible, mais son jeu était critiqué parce que très (trop ?) axé sur le travail des avants : le RCT, le SUA, le RCN ou le Stade Toulousain s’y sont cassés les dents… et les côtes.
La décennie des années 1970 se termine en apothéose, un 14 juillet, où le drapeau français est planté sur la pelouse de l’Eden Park à AUCKLAND, comme celui des Américains l’est sur la lune 10 ans plus tôt…
Dans l’Hexagone, le rugby reste assez confiné (tiens, déjà…) dans les petites villes, voire villages. Le championnat de France se joue à 40 clubs et chaque match donnent l’occasion aux supporters de se balader, principalement dans le SUD-OUEST avec des derbies géographiques : BÈGLES–MÉRIGNAC–SALLES, STADE TOULOUSAIN–TOEC–COLOMIERS NARBONNE–BÉZIERS–PERPIGNAN ou BAYONNE–BIARRITZ–ST-JEAN-de-LUZ. Les phases finales, dès les seizièmes de finale jusqu’à la très médiatique finale, qui se joue désormais au Parc des Princes à Paris, déclenchent le déplacement d’une cohorte de supporters dont certains grimpaient en haut des poteaux pour y accrocher les couleurs de son club de cœur…
Au début des années 1970, le C.A.B. est le tenant du titre. Il a soulevé son premier Brennus grâce, notamment, à une interception de Jean TRILLO au nez et à la barbe de son copain Jean-Louis BÉROT. Le C.A.B. avait été Champion de France, un peu par hasard, lié à son insouciance universitaire… Fort de cette renommée médiatique, mon frère décide de signer au C.A. Béglais : le club champion ! Mon frère débarque donc à Musard, avec son maillot du RACC (Rugby Athlétique Club Castelroussin), vert et noir, comme un fantôme de l’US. MONTAUBAN… Très vite, le Cœur à Damiers familial va se grossir chez les BONNEAU. À force de le suivre le dimanche matin, je prends la même direction deux ans plus tard, toujours en vélo depuis TALENCE… Puis, mon père rentre au Comité Directeur, au milieu des années 1970, dans la section finances aux côtés des Trésoriers Claude LABORDE et Jacques DORVAL.
Les années 1970, c’est l’époque où les Béglais sont retenus en sélection du XV de France. Hormis Jean TRILLO et ses 28 sélections, les autres font un ou trois petits tours et puis s’en vont… SWIERCZINSKI, DUBOIS, CRAMPAGNE, PÉDEUTOUR, CLÉMENTE avec France-A ; GESTA-LAVIT, PLANTEY, MALTERRE, BOUCHERIE ou BERROUET avec France-B
Dans le premier bulletin d’humeur du blogue « Cœur à Damiers », j’avais écrit que l’histoire du rugby de BÈGLES, c’est aussi une histoire de célèbres n°9… En ce début de décennie, Jacky JAMEAU est devenu entraineur et occupe la buvette à l’entrée de Musard. Les années 1970 sont les années BERROUET. Alain BERROUET, dit « Ttaket », était un demi de mêlée vif-argent et vif ardent, qui a connu les honneurs de « France B ». Il s’est installé derrière la mêlée béglaise, à l’ombre d’un grand échassier, formé à l’école béglaise depuis l’école de rugby : Michel GENESTE.
Les GENESTE, je les ai tous connus ! Du père, Robert, chirurgien de son état qui m’a retiré deux ménisques, jusqu’au petit dernier Marc qui jouait avec moi car surclassé : il a fini Champion de France, le numéro 15 floqué dans le dos. Tout au long des années 1970, on retrouve la descendance de Robert : Michel l’aîné numéro 6, grand et sec, qui a joué avec les BARBARIANS avec le short et les chaussettes du C.A. Béglais. Enfin, Bernard, mi-avant (troisième ligne) ou mi-arrière (trois-quatre centre), comme un trait d’union entre ses deux frères. Champion de France Juniors-Reichel en 1977, sa spécialité tenait dans un placage qui a « dessoudé » plus d’une épaule adverse… Les trois frères ont commencé par l’école de rugby et ont tous fini avec l’équipe « fanion ». On les retrouve sur les photos de l’équipe « Première », dès 1978.
À propos de frères, les « CHLEB » ont également constitué une seconde ligne béglaise. Pour les reconnaître : l’aîné, c’est le brun et l’autre le blond… Les jumeaux de LANGON sont venus apporter leur sourire au C.A. Béglais : François et Bruno SOURILLAN. Lors de cette décennie, j’ai dû faire attention à l’orthographe exacte des SWIERCZINSKI, WERVISJER, CHLEBOWSKY ou KAMAROPOULOS chez les jeunes.
Les années 1970, c’est l’époque où la télévision passe du noir et blanc à la couleur. Il en va de même avec les photographies ! La majorité d’entre elles sont en noir et blanc et on trouve peu de clichés en couleurs empêchant de repérer les équipes en damiers rouges et blancs. En revanche, il est amusant de voir sur ces vieux clichés en noir et blanc, dans le rang du bas, un pitchoun qui est le petit frère du capitaine ou le fils de l’entraineur, voire même du Président. De fervent supporter qui caresse le ballon du match avant que la boue ou la pluie ne l’empèse, ce petit deviendra quelques années plus tard, un joueur émérite qui se fera un prénom… Certains se reconnaitront !
Mention spéciale « Cœur à Damiers » à un joueur que je retrouve, de A à Z, de 1970 à 1979, sur beaucoup de clichés de match : l’omniprésent Michel BOUCHERIE.
@+ JYB/K’nar – le 04 février 2021